Le Bazar enchant(i)er

Chers amis

Accaparé par diverses affaires personnelles et l’écriture de ma biographie de Jesse Owens enfin rendue à l’éditeur, je n’ai guère eu le loisir de vous informer avec précision de l’état d’avancement de notre projet au Bazar Café, notre, votre Bazar Café que je vois, comme vous, avec peine, refermé après sept ans d’intense activité.

Vous dire que je suis viscéralement attaché à ce bâtiment, c’est peu dire. C’est plus qu’un lieu, c’est une personne. Je dirais presque de lui ce que Diderot disait d’un clavecin : « c’est un être humain à qui il manque la faculté de reproduction » (correspondances avec d’Alembert). Car il porte en lui la sensibilité, la mémoire, l’histoire.

Je le vois, nouveau-né, érigé au-dessus des vestiges d’une crypte du Xie siècle, fondé en 1869 sous le second empire, l’année même où Victor Hugo publie son magnifique et cruel roman « L’homme qui rit » avant de rentrer, triomphant de son exil de Guernesey un an plus tard dans Paris en flammes, Paris occupé par les Prussiens, « Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé » comme dira plus tard le Général de Gaule. Mais Paris libéré de Napoléon le Petit comme l’appelait Victor Hugo, après la défaite de Sedan et sa capitulation en septembre 1970.

Et je vois notre Bazar Café vivre la création de la IIIe République sous l’instigation de Gambetta, et je le vois vivre la Commune et l’insurrection des Parisiens et la répression sanglante des Communards par Thiers, et je me dis que son enseigne initiale « les Galeries Parisiennes », au-delà d’une apparence de frivolité, contient quelque chose qui accompagne un esprit de résistance.

Et je me dis que ces « Galeries Parisiennes » où l’on trouvait de tout, y compris sans aucun doute « Les Misérables » ou « Notre-Dame de Paris », était un lieu de résistance culturelle et sociale à la paupérisation de nos campagnes et qui dans sa flamboyante présence et sa richesse de corne d’abondance rendait fier le peuple de nos communes qui se sentait relié à la puissance de la capitale.

C’est cet esprit de résistance culturelle et sociale que j’ai toujours perçu dans le projet du Bazar Café et qui, par le nouvel élan qui lui sera donné en le développant en tiers-lieu associera à la culture toutes les dimensions sociales de l’accueil (restauration permanente, hébergement touristique, espaces de travail partagé – coworking -, accueil de séminaires etc.).

Nous avons créé avec Jérôme Saddier, grand serviteur de projets d’économie sociale et solidaire et résidant dans la région, une nouvelle association de gestion qui succédera à notre association Quai des arts, actuelle gestionnaire du lieu. Quai des arts demeurant le partenaire pour tout ce qui concerne les actions culturelles. Et nous comptons évidemment sur le soutien toujours fidèle de l’Association des Amis du Bazar Café.

C’est grâce à l’achat du bâtiment par la foncière Cœurs de Nièvre qui le réhabilitera entièrement, que nous pourrons de nouveau vous recevoir.

Cet achat était prévu à l’origine au début de cette année avec une première tranche de travaux nous permettant d’ouvrir provisoirement au public pour nos activités au rez-de-chaussée et au 1er étage pour la saison estivale. Ce que la date tardive de l’achat ne nous a pas permis de faire.

Nous avons bien tenté d’obtenir avec l’appui de la foncière cette ouverture conditionnée à une permission dérogatoire, ce qui nous a été refusé.

Concernant le jardin, nous faisons face aujourd’hui à un problème lié à la nécessité d’ouvrir l’issue de secours donnant sur la rue de l’hôtel de ville de 13 cm, chose aisée à réaliser techniquement mais qui se heurte à ce jour à un problème d’autorisation administrative qui nous empêche de mettre en œuvre toute activité publique. Problème qui sera, je l’espère résolu au plus vite.

Les travaux prévus pour l’ouverture du Bazar Café sont en cours d’étude et il est fort probable, compte-tenu de leur ampleur que nous ne puissions ouvrir la saison prochaine.

Je me permets de vous dire que nous sommes heureux et fiers d’avoir, avec votre soutien et celui de nombreux artistes, redonné vie à ce bâtiment en péril et que notre combat durant ces sept années de labeur bénévole pour contribuer à animer ce centre-ville et le faire rayonner ne fut pas vain.

Nous n’avons pour ce faire ménagé ni nos efforts ni notre argent personnel pour y parvenir. Au bilan de cette action, nous pouvons aujourd’hui vous confier que ma compagne Manuèle et moi-même avons, durant ces sept années mis dans ce projet plus de 40 000 euros d’argent personnel, et l’association Quai des arts a pour ce faire emprunté 50 000 euros dont la dette court encore. A ceci il faut ajouter l’apport inestimable de tous nos bénévoles et les artistes s’étant produits à titre gratuit que je profite ici pour les remercier de nouveau.

Mais tout cet argent dépensé et ces efforts partagés et solidaires n’ont de valeur pour nous que celle d’un acte d’amour pour ce bâtiment, pour l’art et la culture, pour la convivialité, la fraternité et les amitiés qui se sont nouées grâce à la vie du Bazar Café.

Je dois dire que par la joie que vous avez apporté dans ce lieu, par votre soutien indéfectible, vous nous avez offert plus que nous avons donné.

Nous avons eu des moments de découragement devant tout ce travail gratuit et toutes ces dépenses et j’avoue que nous avons eu plusieurs fois l’envie d’abandonner. Mais c’est vous et le désir que nous avons éveillé en vous pour l’activité de ce lieu qui nous a fait tenir, et abandonner c’était devenu pour nous vous abandonner.

Alors je vous remercie encore au nom de toute l’équipe de bénévoles du Bazar Café de lui avoir in fine donné la possibilité de refaire peau neuve grâce au nouveau projet que nous mettons en place avec Jérôme Saddier, Manuèle Robert et moi-même, et grâce au magnifique engagement de Cœurs de Nièvre. Quel beau nom !

Alain Foix

Laisser un commentaire